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Allergie aux médicaments : mieux les comprendre

Une allergie médicamenteuse est une réaction indésirable causée par une réponse immunologique spécifique à un médicament. On estime que 6 à 10 % des réactions indésirables (de tous types) et que jusqu'à 10 % des réactions indésirables mortelles seraient de nature allergique.

    Le diagnostic d'allergie à un médicament peut être compliqué par la prise de plusieurs produits, la présence d'infection ou de maladies chroniques.

    La réponse immunologique spécifique à un médicament est attribuable à l'un des mécanismes suivants :

    • le médicament agit comme un antigène et entraîne une des différentes formes de réactions allergiques immunitaires (type I à IV); c'est la réaction allergique immunologique;
    • le médicament peut interagir directement avec un récepteurs immunitaire et dans certaines circonstances particulières activer certaines cellules immunitaires spécifiques; c'est la réaction allergique non immunologique.

     

    Facteurs de risque

    L'atopie n'est pas un facteur de risque d'allergie médicamenteuse. Toutefois, les réactions allergiques qui se manifestent chez les patients atopiques peuvent être plus graves.

    L'âge n'est pas un facteur de risque d'allergie médicamenteuse. Toutefois les allergies médicamenteuses qui se manifestent chez les enfants ont plus souvent tendance à disparaître avec le temps. Par exemple, pour la pénicilline, dix ans après la réaction allergique, on estime que plus de 80 % des patients auraient un résultat négatif à un test cutané d'allergie.

     

    Facteurs de risqueCommentaires
    Sexe féminin Les femmes seraient plus à rique que les hommes de souffrir de réactions allergiques à un médicament
    Antécédents de réactions allergiques à un médicament Personne plus à risque d'une réaction allergique à d'autres médicaments avec ou sans lien avec les antécédents d'allergie du patient
    Exposition répétée au médicament ou à un médicament apparenté Par exemple, patient atteint de fibrose kystique qui ont fréquemment besoin d'antibiothérapies
    Type HLA La présence de certains allèles HLA-B serait un facteur de risque important de subir des effets indésirables graves avec un médicament spécifique
    Certaines maladies Notamment infection par le VIH, anomalie des lymphocytes

     

    Types d'allergies médicamenteuses

    1. Réaction allergique immunologique

    Les réactions allergiques aux médicaments sont le plus fréquemment de type I ou IV.

     

    1.1 Réaction allergique de type I (immédiate)

    La réaction de type I apparaît typiquement dans l'heure suivant l'exposition, parfois elle peut se manifester un peu plus tardivement si le médicament a été pris par la bouche (vs injection) ou avec de la nourriture (ralentissement de l'absorption).

    Elle est associée à un risque d'anaphylaxie si le patient est ré-exposé à l'agent causal. Il s'agit d'une réaction médiée par les IgE qui requiert habituellement une primoexposition, mais il est aussi possible que la sensibilisation ait été causée par un agent ayant une réaction croisée avec le nouvel agent, dans quel cas l'allergie pourrait se manifester lors de la première exposition au nouvel agent.

    Les symptômes sont directement causés par les médiateurs vasoactifs libérés par les mastocytes et les basophiles. L'absence de fièvre et d'élévation de la protéine C-réactive aide à différencier la réaction allergique de type I d'une autre réaction indésirable.

    Symptômes typiques
    • Urticaire
    • Prurit
    • Bouffées vasomotrices
    • Oedème de Quincke (visage, langue, larynx)
    • Respiration sifflante
    • Symptômes gastro-intestinaux avec ou sans hypotension

     

    Agents causals les plus fréquents
    • Pénicillines et céphalosporines
    • Bloqueurs neuromusculaires
    • Quinolones
    • Antinéoplasiques à base de platine (p. ex. carboplatine, oxaliplatine)
    • Agents à base de protéines étrangères (p. ex. cetuximab, rituximab)

     

     

    1.2 Réaction allergique de type IV (retardée)

    Il s'agit d'une réaction causée par l'activation des lymphocytes T qui entraîne une atteinte tissulaire. Elle apparaît typiquement 48 à 72 heures après l'exposition au médicament, parfois même des semaines plus tard (p. ex. le rash à l'amoxicilline apparaît typiquement après 7 à 10 jours de traitement).

    Certaines infections virales peuvent prédisposer à une réaction de type IV, notamment celles causées par le virus Epstein Barr (amoxicilline), le cytomégalovirus (antibiotique), l'herpes virus 6 (anticonvulsivants ou autres agents) et le VIH (triméthoprime-sulfaméthoxazole ou autres agents).

    Cette réaction est associée principalement à des symptômes cutanés car la peau est un réservoir de lymphocytes T.

    Manifestations typiques
    • Dermatite de contact
    • Éruptions morbiliformes ou maculopapulaires
    • Syndrome de Stevens-Johnson ou nécrolyse épidermique toxique
    • Syndrome d'hypersensibilité médicamenteux
    • Pustuloses exanthémateuse généralisée

     

    On observe parfois une atteinte d'un organe sans atteinte cutanée (ce qui complique le diagnostic) :

    • hépatite
    • néphrite interstitielle
    • pneumonie

     

    Agents causals les plus fréquents
    • Pénicillines et céphalosporines (notamment amoxicilline)
    • Sulfamides (antibiotiques)
    • Sulfasalazine
    • Minocycline
    • Phénytoïne
    • Carbamazépine
    • Lamotrigine
    • Allopurinol
    • Abacavir
    • Névirapine

     

     

    1.3 Réactions allergique de types II et III

    Le tableau ci-dessous résume les caractéristiques des réactions allergiques aux médicaments de type II et III. Ces types de réactions sont beaucoup plus rares.

    MécanismeSignes et symptômesDélai d'apparitionMédicaments souvent en cause

    Réaction de type II (médiée par les IgG ou IgM)

    Un antigène ou un haptène intimement associé à une cellule se lie à un anticorps, causant une atteinte cellulaire ou tissulaire

    Anémie hémolytique

    Thrombocytopénie

    Neutropénie ou agranulocytose

    Retardé :

    plusieurs jours à plusieurs semaines après l'instauration du traitement

     

    Peut apparaître après plusieurs mois d'un traitement chronique

     

    Apparition plus rapide si ré-exposition

    Pénicillines, céphalosporines, AINS, quinidine, méthyldopa, ticlopidine

    Réaction de type III (complexes immuns)

    Formation ou dépôt de complexes antigène/anticorps dans les vaisseaux ou les tissus ce qui active le complément ou entraîne le recrutement de neutrophiles

    Maladie sérique

    Vasculite

    Fièvre médicamenteuse

    Glomérulonéphrite aiguë

    Retardé :

    plusieurs jours à plusieurs semaines après l'instauration du traitement

     

    Apparition plus rapide si ré-exposition

    Pénicillines, céphalosporines, sulfamides antibiotiques, sirolimus, tacrolimus

     

    1.4 Autres types de réactions cutanés immunologiques

    Il s'agit de réactions qui ne peuvent être classées dans l'un des types de Gel et Coombs, par exemple :

    • une réaction auto-immune dont le mécanisme est inconnu
    • un syndrome lupoïde induit par l'isoniazide, la salfasalazine et d'autres agents
    • l'éruption médicamenteuse fixe caractérisée par des plaques érythémateuses ou oedémateuses, bulleuses ou au centre grisâtre; on la dit «fixe» parce que les plaques apparaissent au même endroit lors d'une ré-exposition. Elle est associée à plusieurs agents notamment les sulfamides et les anticoagulants.

     

      2. Réactions allergiques non immunologiques

      Il s'agit de réactions qui peuvent entraîner des symptômes semblables à une réaction allergique immunologique, y compris l'anaphylaxie, ce qui complique le diagnostic.

      Autrefois appelée pseudo-allergie; la World Allergy Organization (WAO) recommande de ne plus utiliser cette expression car elle pourrait laisser faussement croire qu'elles sont moins graves que les réactions immunologiques.  Pourtant, selon certaines statistiques, les réactions allergiques non immunologiques aux médicaments causeraient plus de décès que les réactions immunologiques immédiates (type I).

      Il existe trois types de réactions non imunologiques :

      • libération d'histamine par activation directe (p. ex. produits de contraste radiologiques, opiacés, vancomycine, taxol)
      • blocage de la cyclo-oxygénase-1 (AINS, y compris l'AAS)
      • accumulation de kinine (IECA, altéplase, plus rarement ARA)

       

      Prise en charge de l'allergie aux médicaments

       

      Le traitement de la réaction allergique à un médicament est basé sur l'arrêt immédiat de l'exposition (p. ex. arrêt d'une perfusion ou abandon d'un traitement per os).

      Par la suite, le traitement est généralement symptomatique et fonction de la gravité des symptômes.

      L'évitement de toute nouvelle exposition est essentiel. Si le traitement doit se poursuivre, on choisit un agent d'une classe différente. Dans certains cas, on pourra choisir un agent apparenté si le risque de réaction allergique est jugé inférieur aux bénéfices du traitement. Dans de rares cas où aucun autre agent ne peut être utilisé, il peut être possible de désensibiliser le patient à l'agent causal afin de pouvoir poursuivre le traitement avec celui-ci.

        Les patients devraient connaître le nom (générique et marque de commerce) de l'agent causal ainsi que celui de tout autre agent/classes qu'ils devront éviter si une réaction croisée est possible. On recommande que les patients portent des bracelets d'identification ou aient en leur possession une carte spécifiant leur allergie. Les patients doivent dévoiler leur allergie à tout professionnel de la santé qui lui prescrit un nouveau médicament ou qui prévoit une intervention médicale ou dentaire. Les pharmaciens doivent vérifier les antécédents d'allergie de tous leurs patients et les noter au dossier.

          Les patients qui souffrent d'allergie à un médicament n'ont généralement pas besoin d'un auto-injecteur d'épinéphrine car les mesures d'évitement sont habituellement suffisantes.